Le retour des absents
Au camp de Buchenwald
les internés mourraient
comme des chiens
nous déclare un rescapé,
le colonel Pétré
Deux trains ramenant des prisonniers rapatriés sont arrivés hier et ce matin en gare Saint-Charles : le premier à 23h 30 ; le deuxième à 2h 30. Au passage, tous les revenants des camps de souffrances et de stalags, étaient frénétiquement applaudis. Parmi eux, se trouvait une figure marseillaise sympathiquement connue ! Le colonel Pétré, dans le journalisme, Jean Duhalde, et dans la Résistance : Chardon ou Rolland. Président de l’Amicale du 141e RIA, il avait fondé un groupe de résistants, parfaitement organisé et agissant. Cette patriotique initiative lui valut d’être arrêté par la Gestapo, le 6 juillet 1943. De la prison Saint-Pierre, il fut transféré à Fresnes, puis au camp de Buchenwald.
Tandis que ses amis de l’Amicale, parmi lesquels le commandant Billot, vice-président, et M. Raymond Teiyssère, secrétaire général, l’entourent, le colonel Pétré veut bien nous confier quelques uns de ses souvenirs, sur les rigueurs de ce camp de la douleur et de la mort.
« On y travaillait dur. On n’y mangait presque pas. On s’y reposait peu. On était mené à la trique. Les gens y mourraient d’inanition comme des bêtes. Le manque de soins favorisait la vermine qui était pour nous une torture de plus. J’ai vu tomber à mes côtés, l’ancien ministre belge Paul-Emile Janson, le général Jean-Edouard Verneau, le député et secrétaire d’Etat François de Tessan et beaucoup d’autres, hélas ! qui sont morts après avoir terriblement souffert. Nos surveillants n’étaient pas des gardiens, c’étaient des bourreaux».
Y avait-il avec vous des Marseillais ?
«Oui. Malafosse des PTT ; Arnaud, l’ancien conseiller d’arrondissement ; Clary, l’ancien chef de la Sûreté ; le docteur Crouzet et son fils ; Bouchon de la préfecture».
Comment avez-vous été libérés ?
«Il y a quatre mois, j’avais été transféré du camp de Buchenwald dans la Rhur, comme travailleur. Quand les Alliés se sont approchés, nous avons été repliés vers l’intérieur de l’Allemagne, mais les Américains nous ont rattrapés. Nous étions sauvés.
Autour de nous, la joie des retrouvailles s’exprime en de tendres et passionnées effusions. Entraîné par ses amis, le colonel Pétré, plein d’une joie douce, retrouve enfin Marseille, dont il a tant rêvé, dans l’enfer de Buchenwald. L. L.